Chapitre 6. Continuité

I. Continuité en un point. Continuité sur un intervalle

1) Définition


Définition 1.

Soit $f$ une fonction définie sur un intervalle $I$.
  1. Soit $a$ un réel élément de $I$. $f$ est continue en $a$ si et seulement si $\displaystyle\lim_{x\rightarrow a}f(x)=f(a)$.
  2. $f$ est continue sur $I$ si et seulement si $f$ est continue en tout réel $a$ élément de $I$.

Les fonctions continues sont les fonctions dont le graphe se trace « sans lever le crayon ».

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2) Continuité des fonctions de référence

Les fonctions de référence connues à ce jour sont toutes continues sur leur domaine de définition. Plus précisément

Théorème 1.

Les fonctions constantes sont continues sur $\mathbb{R}$.
Les fonctions $x\mapsto x^n$, $n$ entier naturel non nul, sont continues sur $\mathbb{R}$.
Les fonctions $x\mapsto\dfrac{1}{x^n}$, $n$ entier naturel non nul, sont continues sur $]-\infty,0[$ et sur $]0,+\infty[$.
La fonction $x\mapsto\sqrt{x}$ est continue sur $[0,+\infty[$.

3) Un exemple de fonction discontinue : la fonction « partie entière »

Soit $x$ un réel. La partie entière du réel $x$ est le plus grand entier relatif inférieur ou égal à $x$. La partie entière du réel $x$ est notée $E(x)$.

Par exemple, le plus grand entier relatif inférieur ou égal à $3,7$ est $3$ et donc $E(3,7)=3$, le plus grand entier relatif inférieur ou égal à $-2,6$ est $-3$ et donc $E(-2,6)=-3$ et le plus grand entier relatif inférieur ou égal à $4$ est le nombre $4$ lui-mê me et donc $E(4)=4$.

On va maintenant construire le graphe de la fonction $E$.

Le graphe de la fonction partie entière est donc

image/svg+xml123 1 2123 1 2

Ainsi, pour tout réel $x$ de $[0,1[$, $E(x)=0$ et donc, quand $x$ tend vers $1$ par valeurs inférieures, $E(x)$ tend vers $0$. D'autre part, $E(1)=1$. Donc, $E(1)$ n'est pas la limite de $E(x)$ quand $x$ tend vers $1$. La fonction partie entière n'est pas continue en $1$. Pour tracer son graphe, nous avons été obligé de « lever le crayon »~en franchissant le point d'abscisse $1$.


4) Fonctions continues et opérations

Les différents théorèmes sur les limites nous donnent immédiatement le théorème suivant :

Théorème 2.

Soient $f$ et $g$ deux fonctions définies sur un intervalle $I$. Soit $a$ un réel de $I$.
    1. Si $f$ et $g$ sont continues en $a$, alors $f+g$ est continue en $a$.
    2. Si $f$ et $g$ sont continues sur $I$, alors $f+g$ est continue sur $I$.
  1. >
    1. Si $k$ est un réel et $f$ est continue en $a$, alors $kf$ est continue en $a$.
    2. Si $k$ est un réel et $f$ est continue sur $I$, alors $kf$ est continue sur $I$.

    1. Si $f$ et $g$ sont continues en $a$, alors $f\times g$ est continue en $a$.
    2. Si $f$ et $g$ sont continues sur $I$, alors $f\times g$ est continue sur $I$.

    1. Si $f$ et $g$ sont continues en $a$ et si $g(a)\neq0$, alors $\dfrac{f}{g}$ est continue en $a$.
    2. Si $f$ et $g$ sont continues sur $I$ et si $g$ ne s'annule pas sur $I$, alors $\dfrac{f}{g}$ est continue sur $I$.

Ainsi, une somme ou un produit de fonctions continues est une fonction continue et un quotient de fonctions continues dont le dénominateur ne s'annule pas est une fonction continue. En particulier :

Théorème 3.

  1. Toute fonction polynôme est continue sur $\mathbb{R}$.
  2. Toute fonction rationnelle est continue sur tout intervalle sur lequel elle est définie.

Une composée de fonctions continues est également continue :

Théorème 4.

Soient $I$ et $J$ deux intervalles de $\mathbb{R}$.
Soit $f$ une fonction définie sur $I$ telle que pour tout $x$ de $I$, $f(x)$ appartienne à $J$ et soit $g$ une fonction Si $f$ est continue sur $I$ et $g$ est continue sur $J$, alors $g\circ f$ est continue sur $I$.

Exemple. Soit $f$ la fonction $x\mapsto\sqrt{2x+3}$. Pour $x\in I=\left[-\dfrac{3}{2},+\infty\right[$, posons $g(x)=2x+3$ et pour $y\in J=[0,+\infty[$, posons $h(y)=\sqrt{y}$. Pour tout réel de $I$, on a $g(x)\geqslant0$ ou encore $g(x)\in J$ et de plus, pour tout réel $x$ de $I$, on a $f(x)=h(g(x))$.

La fonction $g$ est continue sur $I$ en tant que fonction polynôme et pour tout réel $x$ de $I$, $g(x)$ appartient à $J$ puis la fonction $h$ est continue sur $J$. On en déduit que la fonction $f=h\circ g$ est continue sur $I$.

Ainsi, la fonction $x\mapsto\sqrt{2x+3}$ est continue sur $\left[-\dfrac{3}{2},+\infty\right[$. La calculatrice donne le graphe suivant :

image/svg+xml 1 2 3 4 12345 1 2

II. Le théorème des valeurs intermédiaires

1) Le théorème des valeurs intermédiaires et son corollaire

On admettra le théorème suivant :

Théorème 5 (théorème des valeurs intermédiaires).

Soit $f$ une fonction continue sur un intervalle $I$ de $\mathbb{R}$ et soient $a$ et $b$ deux réels de $I$ tels que $a Pour tout réel $k$ compris au sens large entre $f(a)$ et $f(b)$, il existe au moins un réel $x_0$ de $[a,b]$ tel que $f(x_0)=k$.

Il revient au mê me de dire que si $f$ est continue sur $[a,b]$ et si $k$ est un réel compris au sens large entre $f(a)$ et $f(b)$, alors l'équation $f(x)=k$ a au moins une solution dans $[a,b]$. On note qu'il est possible que cette équation ait plusieurs solutions ou encore le réel $x_0$ du théorème 5 n'est pas uniquement défini. On note aussi que $f(a)$ et $f(b)$ sont dans un ordre quelconque. On peut avoir $f(a)f(b)$ ou mê me $f(a)=f(b)$.

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Théorème 6 (corollaire du théorème des valeurs intermédiaires).

Soient $a$ et $b$ deux réels tels que $a< b$. Soit $f$ une fonction continue et strictement monotone sur $[a,b]$.
Pour tout réel $k$ compris au sens large entre $f(a)$ et $f(b)$, il existe exactement un réel $x_0$ de $[a,b]$ tel que $f(x_0)=k$ ou encore l'équation $f(x)=k$ admet exactement une solution dans $[a,b]$.

Démonstration. Soit $k$ un réel compris au sens large entre $f(a)$ et $f(b)$.

Puisque $f$ est continue sur $[a,b]$, le théorème 5 nous permet d'affirmer qu'il existe au moins un réel $x_0$ tel que $f(x_0)=k$.
Mais $f$ est aussi strictement monotone sur $[a,b]$. En particulier, deux réels de $[a,b]$, distincts l'un de l'autre, ont des images différentes par $f$ et donc si $x$ est un réel de $[a,b]$ différent de $x_0$, alors $f(x)\neq f(x_0)$ ou encore $f(x)\neq k$.

Ceci montre l'unicité du réel $x_0$.




2) Exemple d'utilisation du théorème des valeurs intermédiaires ou de son corollaire

On s'interesse à l'équation

$x^3+x=1$\quad$(E)$

Pour tout réel $x$, posons $f(x)=x^3+x$. L'équation $(E)$ s'écrit alors : $f(x)=1$.

La fonction $f$ est continue sur $\mathbb{R}$ en tant que fonction polynôme et la fonction $f$ est strictement croissante sur $\mathbb{R}$ en tant que somme de deux fonctions strictement croissantes sur $\mathbb{R}$ (on peut aussi écrire : pour tout réel $x$, $f'(x)=3x^2+1>0$).

Si $x<0$, alors on a $f(x)1$, alors $f(x)>f(1)$ ou encore $f(x)>2$. En particulier, si $x>2$, on a $f(x)\neq1$ et donc l'équation $f(x)=1$ n'a pas de solution dans $]2,+\infty[$.

D'autre part, la fonction $f$ est continue et strictement croissante sur $[0,1]$ et donc, d'après le corollaire au théorème des valeurs intermédiaires, pour tout réel $k$ compris au sens large entre $f(0)=0$ et $f(1)=2$, l'équation $f(x)=k$ admet une solution et une seule dans l'intervalle $[0,1]$. Comme $0\leqslant 1\leqslant 2$, l'équation $f(x)=1$ admet une solution et une seule dans $[0,1]$.

En résumé,

L'équation $(E)$ admet une solution et une seule dans $\mathbb{R}$.}
De plus, cette solution appartient à $[0,1]$.

On note $\alpha$ cette solution. Il n'est malheureusement pas question d'obtenir la valeur exacte de $\alpha$ (tout au moins en terminale) ou encore, en terminale, on ne peut pas résoudre l'équation $x^3+x=1$ « de manière exacte ».

Néanmoins, on ne s'arrê te pas là. Si on ne peut pas déterminer la valeur exacte de $\alpha$, on va tout de mê me déterminer une valeur approchée de $\alpha$ à une précision donnée. Déterminons par exemple une valeur approchée de $\alpha$ à $10^{-3}$ près par défaut c'est-à-dire un réel $a$ tel que $a\leqslant \alpha\leqslant a+10^{-3}$. On dispose de nombreuses méthodes pour y parvenir. On exposera ici deux méthodes : la méthode par balayage et la méthode par dichotomie.

Quelque soit la méthode, il y a une idée générale à la base : puisque $f$ est strictement croissante sur $[a,b]=[0,1]$, alors si $c$ est un réel de $[a,b]$ tel que $f(c)<1$ ou encore $f(c)1$ ou encore $f(d)>f(\alpha)$, on a

$c< \alpha< d.$

On peut visualiser cette idée dans un tableau de variation.

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Méthode par balayage. La première idée qui vient à l'esprit consiste à faire « balayer »~l'intervalle $[0,1]$ par $x$ en partant de $0$ et en avançant jusqu'à $1$ avec des petits pas de $0,001$. Pour chacune des valeurs de $x$ considérées, on calcule l'image de $x$ par $f$ et on reporte ces valeurs dans un tableau. Quand $f(x)$ franchit le nombre $1$, on a alors un encadrement de $\alpha$ entre deux nombres distants l'un de l'autre de $0,001$.

Cette méthode a un défaut évident : le nombre de calculs effectués. Pour obtenir trois décimales du nombre $\alpha$, on peut calculer jusqu'à $999$ images par $f$ (et mê me $1001$ si on recalcule $f(a)$ et $f(b)$).

On améliore l'idée précédente. Chaque nouvelle décimale de $\alpha$ nécessitera $10$ calculs au plus.

On divise d'abord l'intervalle $[0,1]$ en dix parties de longueur $10^{-1}=0,1$. Plus précisément, on fait afficher par la calculatrice les images par $f$ des réels $0$, $0,1$ $0,2$ … $0,9$ et $1$ dans un tableau de valeurs. On obtient

$x$ $f(x)$
$0$ $0$
$0,1$ $0,101$
$0,2$ $0,208$
$0,3$ $0,327$
$0,4$ $0,464$
$0,5$ $0,625$
$0,6$ $0,816$
$0,7$ $1,043$
$0,8$ $1,312$
$0,9$ $1,629$
$1$ $2$

Puisque $f(0,6)<1$ et $f(0,7)>1$, on obtient déjà $0,6<\alpha<0,7$ ou encore la première décimale de $\alpha$ est $6$.

On recommence en balayant cette fois-ci l'intervalle $[0,6;0,7]$ avec un pas de $0,01$. On obtient

$x$ $f(x)$
$0,6$ $0,816$
$0,61$ $0,836981$
$0,62$ $0,858328$
$0,63$ $0,88047$
$0,64$ $0,902144$
$0,65$& $0,924625$
$0,66$ $0,947496$
$0,67$ $0,970763$
$0,68$ $0,994432$
$0,69$ $1,018509$
$0,7$ $1,043$

On a donc $0,68<\alpha<0,69$ ou encore $\alpha=0,68…$ On recommence en balayant l'intervalle $[0,68;0,69]$ avec un pas de $0,001$. On obtient

$x$ $f(x)$
$0,68$ $0,994432$
$0,681$ $0,996821241$
$0,682$ $0,999214568$
$0,683$ $1,001611987$
$0,684$ $1,004013504$
$0,685$ $1,006419125$
$0,686$ $1,008828856$
$0,687$ $1,011242703$
$0,688$ $1,013660672$
$0,689$ $1,016082769$
$0,69$ $1,018509$

En ayant effectués $33$ calculs d'images, on a obtenu $0,682<\alpha<0,683$ ou encore $\alpha=0,682$ à $10^{-3}$ près par défaut.

Méthode par dichotomie.

On démarre de la mê me façon : $f(0)=0$ et $f(1)=2$ et donc $0<\alpha<1$.

On calcule ensuite la valeur de $f$ au milieu de l'intervalle $[0,1]$ ou encore on calcule $f(0,5)$. Suivant la position de $f(0,5)$ par rapport à $f(\alpha)=1$, on pourra décider si $\alpha$ est dans $[0;0,5]$ qui est la première moitié de l'intervalle $[0;1]$ ou dans $[0,5;1]$ qui est la deuxième moitié de l'intervalle $[0;1]$.
On trouve $f(0,5)=0,625$ et donc $f(0,5)<\alpha$ puis $0,5<\alpha<1$.

On recommence. On coupe en deux l'intervalle $[0,5;1]$ (la dichotomie est justement la division en deux parties d'un ensemble). On calcule l'image du milieu de cet intervalle par $f$ ou encore on calcule $f(0,75)$ …

On obtient ainsi successivement des encadrements d'amplitudes $1$, $\dfrac{1}{2}$, $\dfrac{1}{4}$, … De manière générale, au bout de $n$ étapes, on obtient un encadrement d'amplitude $\dfrac{1}{2^n}$. C'est tout l'intérê t de la méthode. La suite géométrique $\left(\dfrac{1}{2^n}\right)_{n\in\mathbb{N}}$ décroit très vite et on obtient donc rapidement des décimales exactes.

$x$ $f(x)$ encadrement de $\alpha$ amplitude de l'encadrement
$0$ $0$
$1$ $2$ $0<\alpha<1$ $1$
$0,5$ $0,625$ $0,5<\alpha<1$ $0,5$
$0,75$ $1,17…$ $0,5<\alpha<0,75$ $0,25$
$0,625$ $0,86…$ $0,625<\alpha<0,75$ $0,125$
$0,6875$ $1,01…$ $0,625<\alpha<0,6875$ $0,0625$
$0,65625$ $0,93…$ $0,65625<\alpha<0,6875$ $0,03125$
$0,671875$ $0,97…$ $0,671875<\alpha<0,6875$ $0,015625$
$0,6796875$ $0,99…$ $0,6796875<\alpha<0,6875$ $0,0078125$
$0,68359375$ $1,003…$ $0,6796875<\alpha<0,68359375$ $0,00390625$
$0,681640625$ $0,99…$ $0,681640625<\alpha<0,68359375$ $0,001953125$
$0,6826171875$ $1,0006…$ $0,681640625<\alpha<0,6826171875$ $0,0009…<10^{-3}$

Nous avons calculé douze images seulement et nous avons obtenu un encadrement d'amplitude au plus $10^{-3}$. La méthode a un défaut : la division en deux parties égales s'adapte assez mal aux décimales d'un nombre. Mais on n'est pas obligé de couper en deux parties égales. A chaque étape, on a le droit de calculer l'image d'un nombre proche du milieu mais qui n'est pas le milieu. Cela donne :

$x$ $f(x)$ encadrement de $\alpha$ amplitude de l'encadrement
$0$ $0$
$1$ $2$ $0<\alpha<1$ $1$
$0,5$ $0,625$ $0,5<\alpha<1$ $0,5$
$0,8$ $1,312$ $0,5<\alpha<0,8$ $0,3$
$0,7$ $1,043$ $0,5<\alpha<0,7$ $0,2$
$0,6$ $0,816$ $0,6<\alpha<0,7$ $0,1$
$0,65$ $0,92…$ $0,65<\alpha<0,7$ $0,05$
$0,68$ $0,99…$ $0,68<\alpha<0,7$ $0,02$
$0,69$ $1,01…$ $0,68<\alpha<0,69$ $0,01$
$0,685$ $1,006…$ $0,68<\alpha<0,685$ $0,005$
$0,683$ $1.001…$ $0,68<\alpha<0,683$ $0,003$
$0,681$ $0,99…$ $0,681<\alpha<0,683$ $0,0009…<10^{-3}$
$0,682$ $0,99…$ $0,682<\alpha<0,683$ $0,001$

En ne calculant pas toujours l'image du milieu de l'intervalle, on a légèrement augmenté le nombre d'étapes. Ici, nous sommes passés de douze calculs d'images à treize calculs.

Revenons à notre problème initial. Nous avons que montré l'équation $f(x)=1$ admet une solution et une seule dans $\mathbb{R}$ que l'on note $\alpha$ et nous avons établi que $0,682<\alpha<0,683$. Pour achever le travail, il nous reste à représenter graphiquement la fonction $f$ :

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