Les nombres complexes


VI. Argument d'un nombre complexe non nul. Forme trigonométrique

Le plan est maintenant rapporté à un repère orthonormé direct $\left(O,\overrightarrow{u},\overrightarrow{v}\right)$.

1) Argument d'un nombre complexe non nul


Définition 7.

Soit $z$ un nombre complexe non nul.
Un argument de $z$ est une mesure en radian de l'angle orienté $\left(\overrightarrow{u},\overrightarrow{OM}\right)$.

Notation. Un argument de $z$ se note $\text{arg}(z)$.
image/svg+xml M ( z ) O u v u, −− OM = arg ( z )[ ]

Exemple. Soit $z=1+i$. $z$ n'est pas nul et $z$ est l'affixe du point $M(1,1)$.
Graphiquement, $\left(\overrightarrow{u},\overrightarrow{OM}\right)=\dfrac{\pi}{4}\;[2\pi]$ et donc un argument de $1+i$ est $\dfrac{\pi}{4}$.
image/svg+xml M ( z ) O u v Unargumentde 1 + i est π 4 carsi M estlepointd’affixe 1 + i alors u, −− OM = π 4 [ ]
Remarque. On sait que les mesures d'un angle orienté sont les réels de la forme $\theta+2k\pi$ où $\theta$ est l'une des mesures de l'angle orienté et $k$ est un entier relatif. Donc, les arguments d'un nombre complexe non nul $z$ sont les réels de la forme $\theta+2k\pi$ où $\theta$ est l'un des arguments de $z$ et $k$ est un entier relatif.


2) Forme trigonométrique d'un nombre complexe non nul

Soient $z$ un nombre complexe non nul puis $M$ le point d'affixe $z$. Posons $r=|z|$ et notons $\theta$ un argument de $z$.
$r$ n'est pas nul et on peut donc poser $z_1=\dfrac{z}{r}$. Le nombre $z_1$ est un nombre complexe de module $1$ car \begin{align*} |z_1|&=\left|\dfrac{z}{r}\right|=\left|\dfrac{1}{|z|}\times z\right|=\dfrac{1}{|z|}\times|z|\;(\text{car}\;\dfrac{1}{|z|}\in\mathbb{R}^+)\\ &=1. \end{align*} Soit $M_1$ le point d'affixe $z_1$. Puisque $z_1=\dfrac{z}{r}$, on a encore $z=rz_1$ ou aussi $\overrightarrow{OM}=r\overrightarrow{OM_1}$. Puisque le réel $r$ est strictement positif, les vecteurs $\overrightarrow{OM}$ et $\overrightarrow{OM_1}$ sont colinéaires et de même sens. On en déduit que $$ \text{arg}(z)=\left(\overrightarrow{u},\overrightarrow{OM}\right)=\left(\overrightarrow{u},\overrightarrow{OM_1}\right)=\theta\;[2\pi]. $$ Maintenant, le point $M_1$ est un point du cercle trigonométrique et de plus, $\left(\overrightarrow{u},\overrightarrow{OM_1}\right)=\theta\;[2\pi]$. Les coordonnées de $M_1$ sont donc $\left(\cos(\theta),\sin(\theta)\right)$ ou encore $z_1=\cos(\theta)+i\sin(\theta)$ ou enfin $z=r\left(\cos(\theta)+i\sin(\theta)\right)$.
image/svg+xml M ( z ) M 1 ( z 1 ) O u v u, −− OM = u, −−− OM 1 = θ = arg ( z )[ ] 1 cos ( θ ) sin ( θ ) OM = | z |

Théorème 19.

Tout nombre complexe non nul $z$ peut s'écrire sous la forme
$$z=r(\cos(\theta)+i\sin(\theta))$$ où $r$ est un réel strictement positif et $\theta$ un réel.


Vérifions maintenant que, en un certain sens, cette écriture est unique.

Théorème 20.

Soient $r$ et $r'$ deux réels strictement positifs et soient $\theta$ et $\theta'$ deux réels.
$$r(\cos(\theta)+i\sin(\theta))=r'(\cos(\theta')+i\sin(\theta'))\Leftrightarrow r'=r\;\text{et}\;\text{il existe}\;k\in\mathbb{Z}\;\text{tel que}\;\theta'=\theta+2k\pi.$$

Démonstration. Soient $r$ et $r'$ deux réels strictement positifs et soient $\theta$ et $\theta'$ deux réels.

Supposons que $r'=r\;\text{et}\;\text{il existe}\;k\in\mathbb{Z}\;\text{tel que}\;\theta'=\theta+2k\pi.$ Alors $\cos(\theta)=\cos(\theta')$ et $\sin(\theta)=\sin(\theta')$ puis $$r(\cos(\theta)+i\sin(\theta))=r'(\cos(\theta')+i\sin(\theta')).$$ Réciproquement, supposons que $r(\cos(\theta)+i\sin(\theta))=r'(\cos(\theta')+i\sin(\theta'))$. Tout d'abord, puisque $r$ est un réel strictement positif $$ \left|r(\cos(\theta)+i\sin(\theta))\right|=r\left|\cos(\theta)+i\sin(\theta)\right|=r\sqrt{\cos^2(\theta)+\sin^2(\theta)}=r. $$ et donc aussi $\left|r'(\cos(\theta')+i\sin(\theta'))\right|=r'$. Puisque les nombres $r(\cos(\theta)+i\sin(\theta))$ et $r'(\cos(\theta')+i\sin(\theta'))$ sont égaux, ils ont même module et donc $r'=r$. En simplifiant par le réel non nul $r$, il reste l'égalité $$ \cos(\theta)+i\sin(\theta)=\cos(\theta')+i\sin(\theta'). $$ Par identification des parties réelles et imaginaires, on obtient $\cos(\theta)=\cos(\theta')$ et $\sin(\theta)=\sin(\theta')$. On sait que ces deux égalités impliquent qu'il existe un entier relatif $k$ tel que $\theta'=\theta+2k\pi$.



Ainsi, l'écriture d'un nombre complexe non nul $z$ sous la forme $z=r(\cos(\theta)+i\sin(\theta))$, où $r$ est un réel strictement positif et $\theta$ est un réel, est unique en ce sens que si $r(\cos(\theta)+i\sin(\theta))=r'(\cos(\theta')+i\sin(\theta'))$ (où $r'>0$), alors $r=r'$ et $\cos(\theta)+i\sin(\theta)=\cos(\theta')+i\sin(\theta')$. Ceci motive la définition suivante :

Définition 8.

Soit $z$ un nombre complexe non nul. L'écriture de $z$ sous la forme $z=r(\cos(\theta)+i\sin(\theta))$ où $r$ est un réel strictement positif et $\theta$ est un réel s'appelle la forme trigonométrique du nombre complexe non nul $z$.

Rappelons alors que :

Théorème 21.

Soit $z$ un nombre complexe non nul. Soient $r$ un réel strictement positif et soient $\theta$ un réel.
$$z=r(\cos(\theta)+i\sin(\theta))\Leftrightarrow r=|z|\;\text{et}\;\theta\;\text{est un argument de}\;z.$$


Méthode pratique. On veut obtenir la forme trigonométrique d'un nombre complexe non nul $z$ écrit sous forme algébrique : $z=x+iy$ où $x$ et $y$ sont deux réels.
  1. On calcule le module de $z$ : $|z|=\sqrt{x^2+y^2}$.
  2. On met le module de $z$ en facteur : $z=|z|\left(\dfrac{x}{|z|}+i\dfrac{y}{|z|}\right)=\sqrt{x^2+y^2}\left(\dfrac{x}{\sqrt{x^2+y^2}}+i\dfrac{y}{\sqrt{x^2+y^2}}\right)$.
  3. Le nombre $\dfrac{x}{\sqrt{x^2+y^2}}+i\dfrac{y}{\sqrt{x^2+y^2}}$ est de module $1$ et on cherche $\theta\in\mathbb{R}$ tel que $\dfrac{x}{\sqrt{x^2+y^2}}=\cos(\theta)$ et $\dfrac{y}{\sqrt{x^2+y^2}}=\sin(\theta)$. On a ainsi obtenu $$ z=r(\cos(\theta)+i\sin(\theta))\;\text{avec}\;r=|z|=\sqrt{x^2+y^2}>0. $$

Exercice 14.

Déterminer la forme trigonométrique de $2-2i$.


Solution.

$|2-2i|=2[1-i|=2\sqrt{1^2+(-1)^2}=2\sqrt{2}$ puis \begin{align*} 2-2i&=2\sqrt{2}\left(\dfrac{2}{2\sqrt{2}}-i\dfrac{2}{2\sqrt{2}}\right)=2\sqrt{2}\left(\dfrac{1}{\sqrt{2}}-i\dfrac{1}{\sqrt{2}}\right)=2\sqrt{2}\left(\cos\left(-\dfrac{\pi}{4}\right)+i\sin\left(-\dfrac{\pi}{4}\right)\right). \end{align*} La forme trigonométrique de $2-2i$ est $2\sqrt{2}\left(\cos\left(-\dfrac{\pi}{4}\right)+i\sin\left(-\dfrac{\pi}{4}\right)\right)$, le module de $2-2i$ est $2\sqrt{2}$ et un argument de $2-2i$ est $-\dfrac{\pi}{4}$.

image/svg+xml1 11 1 | z | = 2 2 arg ( z )=− π 4 [ ] z = 1 i = 2 2 cos π 4 + i sin π 4


3) Ecriture sous forme exponentielle


Pour tous réel $\theta$, posons $f(\theta)=\cos(\theta)+i\sin(\theta)$. Pour tous réels $\theta$ et $\theta'$, \begin{align*} f(\theta)\times f(\theta')&=(\cos(\theta)+i\sin(\theta))\times(\cos(\theta')+i\sin(\theta'))\\ &=(\cos(\theta)\cos(\theta')-\sin(\theta)\sin(\theta'))+i(\sin(\theta)\cos(\theta')+\cos(\theta)\sin(\theta')) \\ &=\cos(\theta+\theta')+i\sin(\theta+\theta')\\ &=f(\theta+\theta'). \end{align*} Ainsi, la fonction $\theta\mapsto\cos(\theta)+i\sin(\theta)$ vérifie la même règle de calcul que la fonction exponentielle et on va donc adopter une notation analogue :

Définition 9.

Pour tout réel $\theta$, on pose $e^{i\theta}=\cos(\theta)+i\sin(\theta)$.


Remarque. Cette notation ne peut pas être comprise en Terminale. Il faut attendre deux années d'étude après le bac pour vraiment la comprendre.

Exemple. $\dfrac{\sqrt{3}}{2}+\dfrac{1}{2}i=\cos\left(\dfrac{\pi}{6}\right)+i\sin\left(\dfrac{\pi}{6}\right)=e^{i\pi/6}$.

Il faut connaître la forme exponentielle de quelques nombres complexes de module $1$ particuliers : $$ {\large 1=e^0,\quad i=e^{i\pi/2},\quad-1=e^{i\pi}\quad-i=e^{-i\pi/2}.} $$ En effet, $i=0+1\times i=\cos\left(\dfrac{\pi}{2}\right)+i\sin\left(\dfrac{\pi}{2}\right)=e^{i\pi/2}$ et $-1=-1+0\times i=\cos\left(\pi\right)+i\sin\left(\pi\right)=e^{i\pi}$.

Théorème 22.

  1. Pour tout réel $\theta$, $\left|e^{i\theta}\right|=1$ et $\text{arg}\left(e^{i\theta}\right)=\theta\;[2\pi]$.
  2. Pour tout nombre complexe $z$, $|z|=1\Leftrightarrow\;\text{il existe}\;\theta\in\mathbb{R}\;\text{tel que}\;z=e^{i\theta}$.

Démonstration. 1) Soit $\theta\in\mathbb{R}$. $\left|e^{i\theta}\right|=|\cos(\theta)+i\sin(\theta)|=\sqrt{\cos^2(\theta)+\sin^2(\theta)}=1$. D'autre part, $e^{i\theta}$ est l'affixe du point $M(\cos(\theta),\sin(\theta))$. Par suite, $\text{arg} \left(e^{i\theta}\right)=\left(\overrightarrow{u},\overrightarrow{OM}\right)=\theta\;[2\pi]$.
2) Le 1) montre que pour tout réel $\theta$, $e^{i\theta}$ est de module $1$. Réciproquement, soit $z$ un nombre complexe de module $1$. $z$ est donc l'affixe d'un point $M$ du cercle trigonométrique. On sait que les coordonnées de $M$ sont de la forme $(\cos(\theta),\sin(\theta))$. Mais alors $z=\cos(\theta)+i\sin(\theta)=e^{i\theta}$.



On retiendra que $$ {\Large e^{i\theta}\;\text{est le nombre complexe de module}\;1\;\text{et d'argument}\;\theta.} $$

4) Propriétés de calcul des arguments, des formes trigonométriques


On a déjà donné les propriétés de calcul des modules (voir théorèmes 15 et 16 page 12). On donne maintenant les propriétés de calcul des arguments, des écritures exponentielles et donc plus généralement des formes trigonométriques. On notera que ces formules montrent en particulier que $$ \begin{tabular}{l} {\large La forme algébrique est bien adaptée à l'addition et pas à la multiplication.}\rule[-0.3cm]{0mm}{0mm}\\ {\large La forme trigonométrique est bien adaptée à la multiplication et pas à l'addition.} \end{tabular} $$

Théorème 23.

    1. Pour tous réels $\theta$ et $\theta'$, $e^{i\theta}\times e^{i\theta'}=e^{i(\theta+\theta')}$.
    2. Pour tout réel $\theta$, $e^{i\theta}\neq0$ et $\dfrac{1}{e^{i\theta}}=e^{-i\theta}$.
    3. Pour tous réels $\theta$ et $\theta'$, $\dfrac{e^{i\theta}}{e^{i\theta'}}=e^{i(\theta-\theta')}$.
    4. Pour tout réel $\theta$ et tout entier relatif $n$, $\left(e^{i\theta}\right)^n=e^{in\theta}$.
    1. Pour tous nombres complexes non nuls $z$ et $z'$, $\text{arg}(z\times z')=\text{arg}(z)+\text{arg}(z')\;[2\pi]$.
    2. Pour tout nombre complexe non nul $z$, $\text{arg}\left(\dfrac{1}{z}\right)=-\text{arg}(z)\;[2\pi]$.
    3. Pour tous nombres complexes non nuls $z$ et $z'$, $\text{arg}\left(\dfrac{z}{z'}\right)=\text{arg}(z)-\text{arg}(z')\;[2\pi]$.
    4. Pour tout nombre complexe non nul $z$ et tout entier relatif $n$, $\text{arg}(z^n)=n\;\text{arg}(z)\;[2\pi]$.

Démonstration. 1)



Remarque. La formule $\left(e^{i\theta}\right)^n=e^{in\theta}$ est connue sous le nom de formule de \textsc{Moivre}.
Dans le théorème suivant, on analyse le conjugué et l'opposé d'un nombre complexe de module $1$ et plus généralement l'argument du conjugué et de l'opposé d'un nombre complexe non nul.

Théorème 24.

  1. Pour tout réel $\theta$, $\overline{\left(e^{i\theta}\right)}=e^{-i\theta}=\dfrac{1}{e^{i\theta}}$ et $-e^{i\theta}=e^{i(\theta+\pi)}$.
  2. Pour tout nombre complexe non nul $z$, $\text{arg}\left(\overline{z}\right)=-\text{arg}(z)\;[2\pi]$ et $\text{arg}\left(-z\right)=\text{arg}(z)+\pi\;[2\pi]$.

Démonstration. 1) Soit $\theta\in\mathbb{R}$.
$$ \overline{\left(e^{i\theta}\right)}=\overline{\cos(\theta)+i\sin(\theta)}=\cos(\theta)-i\sin(\theta)=\cos(-\theta)+i\sin(-\theta)=e^{-i\theta}. $$ et $$ -e^{i\theta}=e^{i\pi}\times e^{i\theta}=e^{i(\theta+\pi)}. $$ Enfin, 2) est une reformulation des résultats de 1).



Exercice 15.

Déterminer la forme trigonométrique de $\dfrac{\sqrt{3}-i}{1+i}$.

Solution.

$|\sqrt{3}-i|=\sqrt{\left(\sqrt{3}\right)^2+1^2}=\sqrt{4}=2$ puis \begin{align*} \sqrt{3}-i&=2\left(\dfrac{\sqrt{3}}{2}-\dfrac{1}{2}i\right)=2\left(\cos\left(-\dfrac{\pi}{6}\right)+i\sin\left(-\dfrac{\pi}{6}\right)\right)=2e^{-i\pi/6}. \end{align*} D'autre part, $|1+i|=\sqrt{1^2+1^2}=\sqrt{2}$ puis \begin{align*} 1+i&=\sqrt{2}\left(\dfrac{1}{\sqrt{2}}+\dfrac{1}{\sqrt{2}}i\right)=\sqrt{2}\left(\cos\left(\dfrac{\pi}{4}\right)+i\sin\left(\dfrac{\pi}{4}\right)\right)=\sqrt{2}e^{i\pi/4}. \end{align*} Par suite, $$ \dfrac{\sqrt{3}-i}{1+i}=\dfrac{2e^{-i\pi/6}}{\sqrt{2}e^{i\pi/4}}=\dfrac{2}{\sqrt{2}}e^{i\left(-\frac{\pi}{6}-\frac{\pi}{4}\right)}=\sqrt{2}e^{-\frac{5i\pi}{12}}. $$



Exercice 16.

Calculer $(1+i)^{16}$.

Solution. $|1+i|=\sqrt{1^2+1^2}=\sqrt{2}$ puis \begin{align*} 1+i&=\sqrt{2}\left(\dfrac{1}{\sqrt{2}}+\dfrac{1}{\sqrt{2}}i\right)=\sqrt{2}\left(\cos\left(\dfrac{\pi}{4}\right)+i\sin\left(\dfrac{\pi}{4}\right)\right)=\sqrt{2}e^{i\pi/4}. \end{align*} Par suite, \begin{align*} (1+i)^{16}&=\left(\sqrt{2}e^{i\pi/4}\right)^{16}=\left(\sqrt{2}\right)^{16}\left(e^{i\pi/4}\right)^{16}=2^{8}e^{i\frac{\pi}{4}\times16}\\ &=256e^{4i\pi}=256(\cos(4\pi)+i\sin(4\pi))=256. \end{align*} Donc, $(1+i)^{16}=256$.



Remarque. Dans les deux exercices précédents, il y avait un quotient et un exposant qui sont deux notions liées à la multiplication des nombres complexes. Puisque la forme trigonométrique est bien adaptée à la multiplication contrairement à la forme algébrique, on a effectué les calculs sous forme trigonométrique et pas sous forme algébrique.


5) Application à la trigonométrie


Les formules sur l'exponentielle d'un nombre imaginaire pur permettent de retrouver les différentes formules de trigonométrie (ce qui est bien normal car les formules sur l'exponentielle d'un nombre imaginaire pur ont été établies à partir des différentes formules de trigonométrie).

Retrouvons par exemple les formules donnant $\cos(2x)$ et $\sin(2x)$ en fonction de $\cos(x)$ et $\sin(x)$. Soit $x$ un réel. $$ \cos(2x)+i\sin(2x)=e^{2ix}=\left(e^{ix}\right)^2=\left(\cos(x)+i\sin(x)\right)^2=\cos^2(x)-\sin^2(x)+2i\sin(x)\cos(x). $$ Par identification des parties réelles et imaginaires, on retrouve $$ \cos(2x)=\cos^2(x)-\sin^2(x)\;\text{et}\;\sin(2x)=2\sin(x)\cos(x), $$ ces deux formules ayant été établies en classe de première S.

Exercice 17.

Exprimer $\cos(3x)$ et $\sin(3x)$ en fonction de $\cos(x)$ et $\sin(x)$.

Solution.

Soit $x$ un réel. \begin{align*} \cos(3x)+i\sin(3x)&=e^{3ix}=\left(e^{ix}\right)^3=\left(\cos(x)+i\sin(x)\right)^3\\ &=(\cos(x))^3+3(\cos(x))^2(i\sin(x))+3(\cos(x))(i\sin(x))^2+(i\sin(x))^3\\ &=\cos^3x-3\cos x\sin^2x+i(3\cos^2x\sin x-\sin^3x). \end{align*} Par identification des parties réelles et imaginaires, on obtient $$ \cos(3x)=\cos^3x-3\cos x\sin^2x\;\text{et}\;\sin(3x)=3\cos^2x\sin x-\sin^3x. $$



Remarque. Dans le calcul précédent, on a eu besoin de l'égalité $i^3=-i$. Il faut avoir conscience des puissances successives du nombre $i$ : $$ {\Large i^0=1,\quad i^1=i,\quad i^2=-1,\quad i^3=-i,\quad i^4=1,\quad i^5=i,\quad i^6=-1,\quad i^7=-i,\quad i^8=1 \ldots} $$


6) Calculs de longueurs et d'angles


Théorème 25. Soient $A$ et $B$ deux points d'affixes respectives $z_A$ et $z_B$.

  1. $AB=|z_B-z_A|$.
  2. Si de plus $A\neq B$, $\left(\overrightarrow{u},\overrightarrow{AB}\right)=\text{arg}(z_B-z_A)\;[2\pi]$.


Démonstration. Le 1. est un rappel (voir théorème 13 page 11). Pour le 2., on considère le point $M$ tel que $\overrightarrow{OM}=\overrightarrow{AB}$. Alors $$ z_M=z_M-0=z_{\overrightarrow{OM}}=z_{\overrightarrow{AB}}=z_B-z_A, $$ puis $$ \left(\overrightarrow{u},\overrightarrow{AB}\right)=\left(\overrightarrow{u},\overrightarrow{OM}\right)=\text{arg}(z_M)=\text{arg}(z_B-z_A)\;[2\pi]. $$



Théorème 26.

  1. Soient $A$, $B$, $C$ et $D$ quatre points d'affixes respectives $a$, $b$, $c$ et $d$ tels que $A\neq B$.
    $$\left|\dfrac{d-c}{b-a}\right|=\dfrac{CD}{AB}.$$

  2. Soient $A$, $B$, $C$ et $D$ quatre points d'affixes respectives $a$, $b$, $c$ et $d$ tels que $A\neq B$ et $C\neq D$.
    $$\left(\overrightarrow{AB},\overrightarrow{CD}\right)=\text{arg}\left(\dfrac{d-c}{b-a}\right)\;[2\pi].$$

Remarque. Dans $\text{arg}\left(\dfrac{d-c}{b-a}\right)$, les lettres $a$, $b$ $c$ et $d$ apparaissent dans l'ordre $D$, $C$, $B$ et $A$ qui est l'ordre inverse de l'ordre dans lequel ces lettres apparaissent l'angle $\left(\overrightarrow{AB},\overrightarrow{CD}\right)$.

Démonstration.

  1. $\left|\dfrac{d-c}{b-a}\right|=\dfrac{|d-c|}{|b-a|}=\dfrac{CD}{AB}$.


  2. D'après la relation de \textsc{Chasles} sur les angles orientés, \begin{align*} \left(\overrightarrow{AB},\overrightarrow{CD}\right)&=\left(\overrightarrow{AB},\overrightarrow{u}\right)+\left(\overrightarrow{u},\overrightarrow{CD}\right)=\left(\overrightarrow{u},\overrightarrow{CD}\right)-\left(\overrightarrow{u},\overrightarrow{AB}\right)\\ &=\text{arg}(d-c)-\text{arg}(b-a)=\text{arg}\left(\dfrac{d-c}{b-a}\right)\;[2\pi]. \end{align*}



Exercice 18. Le plan est rapporté à un repère orthonormal direct $\left(O,\overrightarrow{u},\overrightarrow{v}\right)$. On considère les points $A(1,1)$, $B(-1,2)$ et $C\left(-\dfrac{\sqrt{3}}{2},\dfrac{3}{2}-\sqrt{3}\right)$.
Montrer que le triangle $ABC$ est équilatéral.

Solution.

Notons $a$, $b$ et $c$ les affixes respectives des points $A$, $B$ et $C$.

1 ère solution. Calculons $\dfrac{c-a}{b-a}$. \begin{align*} \dfrac{c-a}{b-a}&=\dfrac{\left(-\dfrac{\sqrt{3}}{2}+i\left(\dfrac{3}{2}-\sqrt{3}\right)\right)-(1+i)}{(-1+2i)-(1+i)}=\dfrac{-1-\dfrac{\sqrt{3}}{2}+i\left(\dfrac{1}{2}-\sqrt{3}\right)}{-2+i}\\ &=\dfrac{\left(-1-\dfrac{\sqrt{3}}{2}+i\left(\dfrac{1}{2}-\sqrt{3}\right)\right)(-2-i)}{(-2+i)(-2-i)}\\ &=\dfrac{2+\sqrt{3}+\dfrac{1}{2}-\sqrt{3}+i\left(-1+2\sqrt{3}+1+\dfrac{\sqrt{3}}{2}\right)}{(-2)^2+1^2}=\dfrac{\dfrac{5}{2}+i\dfrac{5\sqrt{3}}{2}}{5}=\dfrac{1}{2}+i\dfrac{\sqrt{3}}{2}\\ &=\cos\left(\dfrac{\pi}{3}\right)+i\sin\left(\dfrac{\pi}{3}\right)=e^{i\pi/3}. \end{align*} Par suite, $\dfrac{AC}{AB}=\left|\dfrac{c-a}{b-a}\right|=\left|e^{i\pi/3}\right|=1$ et donc $AC=AB$. Ceci montre que le triangle $ABC$ est isocèle en $A$. D'autre part, $\left(\overrightarrow{AB},\overrightarrow{AC}\right)=\text{arg}\left(\dfrac{c-a}{b-a}\right)=\text{arg}\left(e^{i\pi/3}\right)=\dfrac{\pi}{3}\;[2\pi]$. En particulier, $\widehat{BAC}=60^\circ$.
En résumé, le triangle $ABC$ est isocèle en $A$ et $\widehat{BAC}=60^\circ$. On en déduit que le triangle $ABC$ est équilatéral.

2 ème solution. Calculons les trois distances $AB$, $AC$ et $BC$.
$AB=|b-a|=|(-1+2i)-(1+i)|=|-2+i|=\sqrt{(-2)^2+1^2}=\sqrt{5}$. Ensuite, \begin{align*} AC&=|c-a|=\left|\left(-\dfrac{\sqrt{3}}{2}+i\left(\dfrac{3}{2}-\sqrt{3}\right)\right)-(1+i)\right|=\left|\left(1-\dfrac{\sqrt{3}}{2}\right)+i\left(-\dfrac{1}{2}-\sqrt{3}\right)\right|\\ &=\sqrt{\left(1-\dfrac{\sqrt{3}}{2}\right)^2+\left(-\dfrac{1}{2}-\sqrt{3}\right)^2}=\sqrt{1-\sqrt{3}+\dfrac{3}{4}+\dfrac{1}{4}+\sqrt{3}+3}=\sqrt{5} \end{align*} et enfin \begin{align*} BC&=|c-b|=\left|\left(-\dfrac{\sqrt{3}}{2}+i\left(\dfrac{3}{2}-\sqrt{3}\right)\right)-(-1+2i)\right|=\left|\left(-1-\dfrac{\sqrt{3}}{2}\right)+i\left(\dfrac{1}{2}-\sqrt{3}\right)\right|\\ &=\sqrt{\left(-1-\dfrac{\sqrt{3}}{2}\right)^2+\left(\dfrac{1}{2}-\sqrt{3}\right)^2}=\sqrt{1+\sqrt{3}+\dfrac{3}{4}+\dfrac{1}{4}-\sqrt{3}+3}=\sqrt{5}. \end{align*} Ainsi, $AB=AC=BC=\sqrt{5}$ et donc le triangle $ABC$ est équilatéral.
image/svg+xml12 11234 1 2 3 4 ABC



7) Caractérisations des réels non nuls et des imaginaires purs non nuls


Le théorème suivant est évident géométriquement et ne nécessite pas de démonstration. Il s'agit juste pour nous d'énoncer explicitement un résultat utile dans la pratique.
image/svg+xml π 2 + 2kππ 2 + 2kππ + 2kπ

Théorème 27.

Soit $z$ un nombre complexe non nul.
    1. $z$ est un réel strictement positif $\Leftrightarrow$ il existe $k\in\mathbb{Z}$ tel que $\text{arg}(z)=2k\pi$.
    2. $z$ est un réel strictement négatif $\Leftrightarrow$ il existe $k\in\mathbb{Z}$ tel que $\text{arg}(z)=\pi+2k\pi$.
    3. $z$ est un réel non nul $\Leftrightarrow$ il existe $k\in\mathbb{Z}$ tel que $\text{arg}(z)=k\pi$.

    1. $z$ est un imaginaire pur de partie imaginaire strictement positive $\Leftrightarrow$ il existe $k\in\mathbb{Z}$ tel que
      $\text{arg}(z)=\dfrac{\pi}{2}+2k\pi$.
    2. $z$ est un imaginaire pur de partie imaginaire strictement négative $\Leftrightarrow$ il existe $k\in\mathbb{Z}$ tel que
      $\text{arg}(z)=-\dfrac{\pi}{2}+2k\pi$.
    3. $z$ est un un imaginaire pur non nul $\Leftrightarrow$ il existe $k\in\mathbb{Z}$ tel que $\text{arg}(z)=\dfrac{\pi}{2}+k\pi$.

Exercice 19. Pour tout nombre complexe $z\neq1+i$, on pose $Z=\dfrac{z-2+i}{z-1-i}$.
  1. (résolution algérique)
    1. On pose $z=x+iy$ où $x$ et $y$ sont deux réels. Déterminer la partie réelle et la partie imaginaire de $Z$ en fonction de $x$ et $y$.
    2. Déterminer l'ensemble des points $M$ d'affixe $z$ tels que $Z$ est réel.
    3. Déterminer l'ensemble des points $M$ d'affixe $z$ tels que $Z$ est imaginaire pur.
  2. (résolution géométrique)}
    1. Interpréter géométriquement le module et un argument de $Z$.
    2. Déterminer l'ensemble des points $M$ d'affixe $z$ tels que $Z$ est réel.
    3. Déterminer l'ensemble des points $M$ d'affixe $z$ tels que $Z$ est imaginaire pur.

Solution.

    1. Soit $z$ un nombre complexe différent de $1+i$. Posons $z=x+iy$ où $x$ et $y$ sont deux réels tels que $(x,y)\neq(1,1)$. \begin{align*} Z&=\dfrac{x+iy-2+i}{x+iy-1-i}=\dfrac{(x-2)+i(y+1)}{(x-1)+i(y-1)}=\dfrac{((x-2)+i(y+1))((x-1)-i(y-1)}{((x-1)+i(y-1))((x-1)-i(y-1))}\\ &=\dfrac{(x-2)(x-1)+(y+1)(y-1)+i(-(x-2)(y-1)+(x-1)(y+1))}{(x-1)^2+(y-1)^2}\\ &=\dfrac{x^2-2x-x+2+y^2-1+i(-xy+x+2y-2+xy+x-y-1)}{(x-1)^2+(y-1)^2}\\ &=\dfrac{x^2+y^2-3x+1+i(2x+y-3)}{(x-1)^2+(y-1)^2}. \end{align*} Donc, $\text{Re}(Z)=\dfrac{x^2+y^2-3x+1}{(x-1)^2+(y-1)^2}$ et $\text{Im}(Z)=\dfrac{2x+y-3}{(x-1)^2+(y-1)^2}$.


    2. Soit $z$ un nombre complexe différent de $1+i$. Posons $z=x+iy$ où $x$ et $y$ sont deux réels tels que $(x,y)\neq(1,1)$. Soit $M$ le point d'affixe $z$.
      \begin{align*} Z\;\text{est réel}&\Leftrightarrow\text{Im}(Z)=0\Leftrightarrow\dfrac{2x+y-3}{(x-1)^2+(y-1)^2}=0\Leftrightarrow 2x+y-3=0\;\text{et}\;(x-1)^2+(y-1)^2\neq0\\ &\Leftrightarrow2x+y-3=0\;\text{et}\;(x,y)\neq(1,1). \end{align*} Soit $(\mathscr{D})$ la droite d'équation $2x+y-3=0$. Le point $A$ de coordonnées $(1,1)$ appartient à la droite $(\mathscr{D})$ car $2x_A+y_A-3=2+1-3=0$. Donc, l'ensemble des points $M$ d'affixe $z$ tels que $Z$ est réel est la droite $(\mathscr{D})$ privée du point $A$.


    3. De même, \begin{align*} Z\;\text{est imaginaire pur}&\Leftrightarrow\text{Re}(Z)=0\Leftrightarrow\dfrac{x^2+y^2-3x+1}{(x-1)^2+(y-1)^2}=0\Leftrightarrow x^2+y^2-3x+1=0\;\text{et}\;(x-1)^2+(y-1)^2\neq0\\ &\Leftrightarrow \left(x-\dfrac{3}{2}\right)^2+y^2=\dfrac{5}{4}\;\text{et}\;(x,y)\neq(1,1). \end{align*} Soit $(\mathscr{C})$ le cercle d'équation $\left(x-\dfrac{3}{2}\right)^2+y^2=\dfrac{5}{4}$. $(\mathscr{C})$ est le cercle de centre $\Omega$ et de rayon $\dfrac{\sqrt{5}}{4}$. Le point $A$ de coordonnées $(1,1)$ appartient au cercle $(\mathscr{C})$ car $\left(x_A-\dfrac{3}{2}\right)^2+y_A^2=\dfrac{1}{4}+1=\dfrac{5}{4}$. Donc, l'ensemble des points $M$ d'affixe $z$ tels que $Z$ est imaginaire pur est le cercle $(\mathscr{C})$ privé du point $A$.



    1. Soit $z$ un nombre complexe différent de $1+i$ puis $M$ le point d'affixe $z$. Soient $A$ et $B$ les points de coordonnées respectives $(1,1)$ et $(2,-1)$. Alors $z_A=1+i$ et $z_B=2-i$ puis, $$ Z=\dfrac{z-(2-i)}{z-(1+i)}=\dfrac{z-z_B}{z-z_A}. $$ Par suite, $|Z|=\left|\dfrac{z-z_B}{z-z_A}\right|=\dfrac{BM}{AM}$. Si de plus, $z\neq2-i$, alors $Z\neq0$ puis $\text{arg}(Z)=\text{arg}\left(\dfrac{z-z_B}{z-z_A}\right)=\left(\overrightarrow{BM},\overrightarrow{AM}\right)$.


    2. Soit $z$ un nombre complexe différent de $1+i$ puis $M$ le point d'affixe $z$ (donc $M\neq A$). \begin{align*} Z\;\text{est réel}&\Leftrightarrow Z=0\;\text{ou}\;(Z\neq0\;\text{et il existe}\;k\in\mathbb{Z}\;\text{tel que}\;\text{arg}(Z)=k\pi)\\ &\Leftrightarrow z=z_B\;\text{ou}\;(z\neq z_B\;\text{et il existe}\;k\in\mathbb{Z}\;\text{tel que}\;\left(\overrightarrow{BM},\overrightarrow{AM}\right)=k\pi)\\ &\Leftrightarrow M=B\;\text{ou}\;(M\neq B\;\text{et les points}\;A,\;B\;\text{et}\;M\;\text{sont alignés}\\ &\Leftrightarrow M\;\text{appartient à la droite}\;(AB)\;\text{privée du point}\;A \end{align*} L'ensemble des points $M$ d'affixe $z$ tels que $Z$ est réel est la droite $(AB)$ privée du point $A$.


    3. Soit $z$ un nombre complexe différent de $1+i$ puis $M$ le point d'affixe $z$ (donc $M\neq A$). \begin{align*} Z\;\text{est imaginaire pur}&\Leftrightarrow Z=0\;\text{ou}\;(Z\neq0\;\text{et il existe}\;k\in\mathbb{Z}\;\text{tel que}\;\text{arg}(Z)=\dfrac{\pi}{2}+k\pi)\\ &\Leftrightarrow z=z_B\;\text{ou}\;(z\neq z_B\;\text{et il existe}\;k\in\mathbb{Z}\;\text{tel que}\;\left(\overrightarrow{BM},\overrightarrow{AM}\right)=\dfrac{\pi}{2}+k\pi)\\ &\Leftrightarrow M=B\;\text{ou}\;(M\neq B\;\text{et le triangle}\;AMB\;\text{est rectangle en}\;M\\ &\Leftrightarrow M\;\text{appartient au cercle de diamètre}\;[AB]\;\text{privé du point}\;A \end{align*} L'ensemble des points $M$ d'affixe $z$ tels que $Z$ est réel est le cercle de diamètre $[AB]$ privé du point $A$.